Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

  • estime que les objectifs de sûreté sanitaire de l’Union et de protection des populations «ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local», et qu’une intervention accrue de l’Union dans ce domaine est donc conforme au principe de subsidiarité;
  • s’inquiète de la capacité de l’HERA à réussir dans ses missions et rappelle que les villes et régions ont vocation à jouer un rôle actif aux cotés de l’Union et des États membres pour développer de nouvelles approches de la protection des populations. Ce rôle doit être reconnu à l’échelle nationale et européenne, conformément au principe de subsidiarité active;
  • considère que l’élaboration du plan stratégique pluriannuel de l’HERA est absolument prioritaire et doit associer également le Parlement européen, les villes et les régions;
  • considère indispensable que l’HERA développe, en partenariat avec les autres organes communautaires compétents, un «health safety vulnerability scoreboard» (tableau de bord des vulnérabilités sanitaires) et construise avec les États membres et les régions des programmes de réaction aux divers types d’urgence et de «stress test» (test de résistance) des systèmes de santé;
  • insiste sur le besoin d’une politique industrielle et d’innovation en amont des crises et sur la nécessité absolue d’inventer un nouveau cadre de régulation et d’intervention pour rendre possible la souveraineté sanitaire de l’UE et sa capacité à industrialiser les produits issus de la R&I; est par ailleurs convaincu que ce qui est aujourd’hui en cours dans le domaine des semi-conducteurs devrait être envisageable dans celui de la santé.

Avis du Comité européen des régions — Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire

  1. RECOMMANDATIONS POLITIQUES

 

Remarques générales

    1.          Le Comité européen des régions rappelle qu’en mars 2020, sa présidence a appelé la Commission européenne et les États membres à établir un mécanisme européen de santé[1] et qu’il a développé cette idée dans l’avis qu’il a élaboré ultérieurement, en 2020 également, sur «Un mécanisme européen d’urgence sanitaire»[2]; il constate que la communication COM(2021) 576 de la Commission a trouvé là des sources d’inspiration. 

    Le débat sur la création de l’HERA intervient dans un contexte marqué par la poursuite de l’épidémie de COVID-19, qui nous incite plus que jamais à faire de la santé une priorité pour l’Union européenne. L’objectif visé par la création de l’HERA est néanmoins plus large et concerne tous les types de risque pour la santé humaine, de grande échelle et/ou transfrontaliers, aussi bien les phases de préparation et de gestion de crise, auxquels il convient d’ajouter les enjeux de prévention et de résilience des sociétés et territoires, le tout dans le contexte plus large de la guerre en Ukraine, qui a aujourd’hui des répercussions considérables sur les services de santé, les infrastructures et la coopération transfrontière, déjà mis à rude épreuve et exploités au maximum de leurs capacités au plus fort de la pandémie de COVID-19. 

    2.              Le Comité européen des régions soutient la création de l’HERA comme autorité chargée de la préparation et de la gestion des crises sanitaires tout en tenant compte, d’une part, du fait que les États membres sont responsables au premier chef de la prévention, de la santé publique et des soins de santé ainsi que de la préparation aux crises et de leur gestion et, d’autre part, du rôle important des régions puisqu’en Europe, deux tiers des États membres ont des systèmes de santé décentralisés suivant différentes modalités. Il insiste sur la nécessite d’une vision d’ensemble de la protection des populations, alors que l’action de la Commission reste éclatée entre de multiples centres de décision, ainsi que sur le soutien que l’Union doit apporter aux États et aux régions.

    3.          Les crises sanitaires, quelle que soit leur origine, sont un danger pour les populations qu’elles touchent de manière très inégalitaire, mais aussi un danger pour la construction européenne elle-même si celle-ci ne sait pas y répondre de manière rapide, efficace, cohérente et solidaire. La crise de la COVID-19 a mis à l’épreuve la solidarité entre Européens, l’intégrité du marché intérieur et la coopération au sein de l’espace Schengen. Le Comité européen des régions estime que la crise a également montré que les objectifs de sûreté sanitaire de l’Union et de protection des populations «ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local», et qu’une intervention accrue de l’Union dans ce domaine est donc conforme au principe de subsidiarité[3].

    4.          Si la gestion des systèmes de santé et de soin relève de la compétence nationale, la Commission européenne a un rôle important à jouer dans la protection de la santé des populations et la préservation du marché unique, et ce conformément aux traités, qui incluent la protection de la santé des populations comme une exigence essentielle et lui confient un rôle de protection de l’acquis communautaire. Cette intervention doit être menée en lien étroit avec les États membres et légitime une implication active du Parlement européen. Le Comité européen des régions entend faire entendre sa voix dans ce débat, d’abord parce que dans un contexte de crise, l’action locale et de proximité est essentielle pour assurer la protection des populations, ensuite parce que de nombreuses régions exercent des compétences importantes dans le domaine de la santé, et enfin parce que le soutien des régions à l’innovation et à l’industrie est un élément clé pour rendre disponibles les contre-mesures permettant d’affronter les crises.

    Le champ d’intervention de l’HERA, sa gouvernance et sa trajectoire de montée en puissance

     

    5.          Le Comité européen des régions défend, comme le propose la Commission, un champ d’intervention très large pour l’HERA, dans le respect des compétences des autres organes existants[4]. Il s’agit en effet d’affronter des menaces sur la santé humaine pouvant avoir un caractère naturel, accidentel ou délibéré, y compris du fait d’actes terroristes, et être d’origine aussi bien pandémique que biologique, environnementale, nucléaire ou inconnue.

    6.          Il souligne qu’au-delà du champ d’intervention, c’est aussi le champ des activités de l’HERA qui est très large, puisqu’il s’agit d’identifier et d’analyser les risques en amont des crises, d’impulser des actions de prévoyance, de renforcer la capacité des sociétés et des territoires à affronter les crises, de définir des scénarios de gestion comprenant les réponses adaptées, de renforcer l’écosystème industriel et de recherche et d’innovation (R&I) permettant de développer et de produire les contre-mesures adaptées, et enfin de s’assurer de la disponibilité de ces contre-mesures dans toutes les villes et régions de l’Union et auprès de toutes les populations.

    7.          Face à ces défis gigantesques, le Comité européen des régions s’inquiète de la capacité de l’HERA à réussir dans ses missions.

    8.          Si la création de l’HERA sous la forme de service interne de la Commission doit être comprise comme un choix pragmatique permettant d’avancer rapidement et de coordonner au mieux les différentes activités de la Commission, ce choix devrait n’être que provisoire et être révisé le moment venu. Le statut de service interne de la Commission ne doit pas être un frein pour recruter les personnels spécialisés et de haut niveau nécessaires pour se préparer aux crises sanitaires et les gérer. Il importe de garantir une autonomie de décision dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, laquelle est indispensable pour analyser les risques en toute indépendance et prendre sans délai les mesures nécessaires pour protéger les vies humaines.

    9.          Le plan d’action pour 2022 publié le 10 février prévoit un budget annuel de 1,3 milliard d’EUR, ce qui est un signal positif mais non cohérent avec les prévisions de budget de 6 milliards d’EUR pour 6 ans. L’examen de ce budget annuel montre le poids important des achats de contre-mesures et de la constitution et du pilotage des stocks européens (675,5 millions d’EUR), sans que l’impact sur le financement des autres actions de protection civile européennes soit mentionné, de même que le poids du soutien à de nouvelles capacités de production (160 millions d’EUR) et celui des programmes de recherche sous Horizon Europe (350 millions d’EUR), dont la majorité ne sont pas nouveaux. Cela ne laisse que 100 millions d’EUR pour les actions d’anticipation des risques et d’adaptation des systèmes de santé.

    10.       La gouvernance de l’HERA est un troisième point de faiblesse. Celle-ci est strictement limitée à la Commission et aux États membres, réduisant le Parlement européen à un rôle d’observateur et excluant des instances permanentes de l’HERA toutes les parties prenantes, les villes et les régions comme les acteurs de la société civile. Cette gouvernance n’est ni adéquate ni efficace, la préparation aux crises et leur gestion impliquant une grande diversité d’acteurs et de compétences. Les villes et les régions, les professionnels de la santé dans leur diversité, les associations de patients, les autres acteurs clés de la science et de la recherche, ainsi que les ONG de la santé et de la solidarité, sont des acteurs absolument essentiels pour affronter avec succès les crises et ils doivent être pleinement pris en compte. A minima, les différentes parties prenantes devraient être membres permanentes du forum consultatif («advisory forum»), qui devrait pouvoir faire des recommandations aux instances de direction de l’HERA et être associé aux différents volets de son activité.

    11.       Le Comité européen des régions reconnaît la primauté des compétences nationales et l’importance cruciale du travail en commun de la Commission et des États membres, mais demande à la Commission et au Conseil de retrouver le chemin d’une méthode ouverte et inclusive de coordination avec les parties prenantes et de donner toute leur place aux représentants des pouvoirs publics locaux et régionaux et au Parlement européen, indépendamment des considérations juridiques.

    12.       L’action opérationnelle de l’HERA semble centrée sur la fourniture des contre-mesures médicales. Bien d’autres aspects interviennent pourtant dans la gestion des crises, notamment dans les domaines de la prévention et dans celui de la protection civile. Le Comité européen des régions considère que le terme de contre-mesures doit recouvrir tous les médicaments et produits pharmaceutiques, y compris leurs principes actifs, ainsi que tous les antibiotiques, vaccins, tests et diagnostics, dispositifs et fournitures médicales, les dispositifs de protection individuelle, les équipements hospitaliers et dans les territoires, mais aussi les systèmes d’information et les systèmes de surveillance des maladies infectieuses et des nouveaux contaminants. En effet, toutes ces ressources sont nécessaires pour affronter les crises et protéger les populations et leur santé.

    13.       Le Comité européen des régions demande qu’une égale attention soit accordée au développement de la résilience des sociétés et d’une culture commune de la gestion des crises et des catastrophes. Dans ce cadre, un soutien renforcé doit être accordé au mécanisme de protection civile européen, dont le budget ne doit pas être fragilisé par la création de l’HERA. La présence du terme «urgence» dans l’intitulé de l’HERA ne doit pas semer la confusion ni amener l’HERA à doublonner les dispositifs de gestion de crise déjà développés au sein du mécanisme de protection civile de l’Union, dont la pierre angulaire est le centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) de la Commission. Une coordination très forte et une claire répartition des rôles sont nécessaires entre ces deux outils de la Commission, qui pourraient à l’avenir être rapprochés. Il est également nécessaire d’établir une distinction par rapport aux mesures de l’acte révisé sur les menaces transfrontières pour la santé, actuellement en cours de négociation entre le Conseil et le Parlement, et aux missions qui incombent à l’Agence européenne des médicaments (EMA) et, en particulier, au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

    14.       L’élaboration du plan stratégique pluriannuel de l’HERA est absolument prioritaire et doit associer également le Parlement européen, les villes et les régions, ainsi que les parties prenantes. Ce plan devra établir le niveau des ressources dont l’HERA a besoin pour remplir efficacement ses nombreuses missions, décrire les étapes de sa montée en puissance et prévoir des indicateurs de suivi. Le plan stratégique devra également préciser les mécanismes de coopération entre l’HERA et les autres outils d’intervention de l’UE, dont l’EMA, l’ECDC et le mécanisme de protection civile, et indiquer comment ceux-ci pourront être également renforcés pour assurer pleinement leur rôle en coordination avec l’HERA.

    Préparer l’Europe aux crises et aux catastrophes et protéger efficacement toutes les populations dans toutes les villes et régions de l’Union

    15.       L’expérience de la COVID-19 montre qu’il n’y a pas d’action efficace sans réponse commune à l’échelle européenne, laquelle doit être adaptée aux différents besoins et situations sur le plan national, régional et local. L’HERA doit aussi œuvrer à une ambition européenne accrue et convergente en ce qui concerne la protection des populations face aux crises. Aujourd’hui, la COVID-19 met au contraire en lumière les inégalités entre les territoires et les inégalités sociales dans l’accès aux soins et à la vaccination, inégalités qui fragilisent la réponse aux crises sanitaires et mettent en danger l’ensemble de l’Europe.

    16.       Le Comité européen des régions souhaite que l’HERA mène un travail d’analyse des vulnérabilités des territoires et des populations face aux crises sanitaires. Ce travail d’analyse des vulnérabilités doit prendre en compte la disponibilité des stocks dans toute l’Europe et la capacité opérationnelle à toucher toutes les populations, et en priorité celles dont la santé est la plus fragile et celles vivant en situation d’exclusion et de précarité. Il doit aussi porter sur la capacité des systèmes de santé, des hôpitaux et des autres établissements de santé à augmenter leurs capacités en cas de crise, afin de maintenir autant que possible les soins programmés tout en accueillant les patients supplémentaires résultant de la crise.

    17.       Il considère donc indispensable que l’HERA développe, en partenariat avec les autres organes communautaires compétents, un «health safety vulnerability scoreboard» (tableau de bord des vulnérabilités sanitaires) et construise avec les États membres et les régions des programmes de réaction aux divers types d’urgence et de «stress test» (test de résistance) des systèmes de santé. Sur la base des résultats de ces tests, la Commission et le Conseil devraient élaborer à l’intention des États membres et des régions des recommandations, qui devront faire l’objet d’un suivi, afin qu’ils renforcent leurs systèmes de santé, la capacité de réaction des territoires et en matière de santé et l’égalité dans la protection des différents groupes de populations quand cela s’avère nécessaire.

    18.       De même, l’HERA devrait contribuer à développer des programmes de recherche dans le cadre d’Horizon Europe concernant l’intervention auprès des populations les plus fragiles (personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion, minorités, réfugiés, femmes victimes de violences, personnes âgées et personnes en situation de handicap, personnes présentant des facteurs de comorbidité, etc.), dont l’expérience de la COVID-19 montre qu’elles sont souvent les premières victimes. Ces programmes de recherche devront aussi aborder spécifiquement les inégalités d’accès à la santé pour les personnes âgées, la santé mentale des enfants et des jeunes, la complémentarité entre l’hôpital et les soins de santé de proximité, et les innovations, notamment numériques, dans l’organisation des systèmes de santé. Ils devront toujours intégrer une approche de genre de nature à garantir une prise en compte appropriée des besoins des femmes. 

    19.       Préparer les populations aux catastrophes et épidémies à venir est un enjeu essentiel auquel l’HERA doit contribuer. Nous avons aussi besoin au niveau européen de renforcer et de coordonner les programmes de prévention en santé publique, de promotion de la santé et de lutte contre la fracture numérique et contre la désinformation. Ces démarches en prévention de santé doivent être transversales à toutes les politiques publiques. L’intervention de l’HERA doit s’inscrire dans une politique européenne de prévention plus ambitieuse définie dans le cadre de EU4Health, programme qui devrait être renforcé et mieux prendre en compte notamment les enjeux de la santé mentale, du handicap et de la lutte contre les maladies chroniques.

    20.       Il est également nécessaire de tirer des enseignements concrets de la crise de la COVID-19 et de la guerre en Ukraine au moyen d’actions de recherche. Il convient ainsi d’engager des mesures visant la réaction rapide des systèmes de santé et le déploiement accéléré sur le terrain des contre-mesures (hôpitaux modulaires, appareils médicaux mobiles et simplifiés, unités médicales mobiles, «petits» centres de vaccination, mobilisation de personnel médical qualifié en nombre suffisant, etc.).

    21.       Une attention particulière devra être accordée aux enjeux spécifiques des zones rurales isolées, des zones montagneuses et des régions ultrapériphériques. Force est de constater que cet ensemble d’actions est largement absent du programme de travail de l’HERA pour 2022. Le Comité européen des régions le regrette et demande que cela soit revu dès 2023.

     

    22.       Aux yeux du Comité européen des régions, cet ensemble d’actions ne menace pas les compétences des États membres mais représente au contraire une opportunité pour chaque État de se montrer, en coordination avec les régions, plus efficace dans la protection de sa population.

    23.       Une analyse détaillée par la Commission européenne des dépenses de santé effectuées dans le cadre des fonds de cohésion et de la facilité pour la reprise et la résilience au cours des années de la pandémie pourrait être utile pour la gestion des crises futures. De même, les bonnes pratiques nationales, régionales et locales pourraient être mises en avant dans la conception de futures actions de prévention et de gestion des crises sanitaires. 

    24.       Le Comité européen des régions demande que les dépenses de renforcement du système de santé et de préparation aux crises, qui vont nécessairement s’accroître, fassent l’objet d’une approche spécifique dans le cadre du Semestre européen et qu’elles soient en permanence éligibles aux fonds de la politique de cohésion, à la suite de l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus. Il s’inquiète du fait que les dépenses de santé n’aient pour le moment représenté qu’une part très minoritaire du plan de relance et plaide pour un soutien accru à la résilience et à l’équipement des villes et des régions dans les domaines de la santé et de la protection civile.

    25.       Il rappelle que les villes et régions ont vocation à jouer un rôle actif aux cotés de l’Union et des États membres pour développer ces nouvelles approches de la protection des populations. C’est encore plus le cas quand elles ont des compétences spécifiques en matière de santé et quand elles gèrent le système hospitalier et de santé. Ce rôle doit être reconnu à l’échelle nationale et européenne, conformément au principe de subsidiarité active.

    Les enseignements à tirer de la guerre en Ukraine

    26.       Le Comité européen des régions se félicite de la participation de l’HERA à la campagne de vaccination des réfugiés ukrainiens dans l’Union et de son soutien au mécanisme de protection civile de l’Union, qui garantit des vaccins pour les enfants et d’autres fournitures médicales essentielles grâce au soutien de l’industrie pharmaceutique et des ministères de la santé.

    27.       Le Comité européen des régions considère que la guerre en Ukraine rappelle avec force que l’Europe doit être préparée à toutes sortes de crises: tout comme la COVID-19 a frappé nos territoires sans avertissement, le conflit armé dans le voisinage direct de l’Union n’était pas attendu. Son impact sur les systèmes de santé, en particulier en Europe centrale et orientale, ne cesse de croître et doit faire l’objet d’un suivi attentif afin d’éviter d’atteindre un point de basculement. Les capacités d’analyse et de prévision de l’HERA doivent être rapidement développées afin de s’assurer que la prochaine catastrophe imminente ne prendra pas l’Union européenne par surprise. 

    28.       Il réaffirme en conséquence que la priorité doit être donnée au renforcement, dans tous les États membres et dans toutes les régions de l’UE, de la capacité des systèmes de santé à s’adapter rapidement à des événements imprévus. Dans ce sens, le «tableau de bord des vulnérabilités sanitaires» et les programmes de «stress test» des systèmes de santé paraissent plus que jamais des actions prioritaires.

    29.       Le Comité européen des régions attire l’attention sur le risque d’exposition aux radiations dues à d’éventuels dommages causés aux infrastructures nucléaires civiles et sur les risques liés à l’interruption du traitement des maladies chroniques, y compris le cancer et le VIH (l’Ukraine présente l’un des taux de prévalence du VIH les plus élevés d’Europe); ces risques affecteront probablement également les systèmes de santé des pays d’accueil.

    30.       La guerre en Ukraine, qui a comme conséquence l’arrivée au sein de l’UE de millions de personnes non vaccinées, incite à renforcer la coopération internationale pour l’accès aux contre-mesures et notamment aux vaccins, en priorité en direction de notre voisinage. Le Comité européen des régions s’inquiète donc de la faiblesse de ces actions dans le cadre du programme de travail de l’HERA pour 2022.

    Une politique industrielle et d’achat public au service de la santé

    31.       Le Comité européen des régions salue les initiatives prises depuis le début de la crise pour accélérer la disponibilité des contre-mesures, ainsi que le projet de règlement du Conseil relatif aux mesures de gestion de crise. Pour autant, il considère que les propositions actuelles ne constituent pas encore un dispositif suffisant pour se préparer efficacement aux crises sanitaires.

    32.       Il insiste sur le besoin d’une politique industrielle et d’innovation en amont des crises et sur la nécessité absolue d’inventer un nouveau cadre de régulation et d’intervention pour rendre possible la souveraineté sanitaire de l’UE et sa capacité à industrialiser les produits issus de la R&I.

     33.       Il considère que l’Union européenne doit se donner les moyens de produire sur son sol les contre-mesures «essentielles», largement communes à la gestion de différents types de crise. Produire en Europe ces médicaments, y compris leurs principes actifs, ainsi que ces dispositifs médicaux, tests, diagnostics et équipements «de base» ne peut résulter que d’une politique d’achat public volontariste assumant des coûts d’approvisionnement éventuellement plus élevés. Rien ne permet aujourd’hui de comprendre comment les règles et principes d’action européens permettront d’atteindre cet objectif pourtant essentiel.

    34.       Il s’inquiète vivement des difficultés de nombreuses entreprises qui ont investi à la demande des pouvoirs publics au début de la crise pour résorber les pénuries et qui sont aujourd’hui abandonnées au profit d’achats réalisés en dehors de l’UE. Il considère que les leçons de la crise n’ont pas été tirées et que cette question doit être traitée d’urgence. Il demande notamment que les stocks stratégiques nationaux et européens soient, à chaque fois que cela est possible, constitués et renouvelés à partir de produits fabriqués en Europe.

     35.       Le Comité européen des régions demande donc à la Commission européenne de mettre à l’étude et de proposer un cadre législatif adapté, permettant de déroger aux règles en matière d’aides d’État et d’achat public, notamment pour ce qui concerne les contre-mesures «essentielles». Ce qui est aujourd’hui en cours dans le domaine des semi-conducteurs (législation européenne sur les semi-conducteurs ou «Chips Act») devrait être envisageable dans celui de la santé.

    36.       Ce nouveau cadre juridique devrait assouplir les règles de l’achat public, notamment innovant, renforcer le contrôle des investissements étrangers et rendre possible des aides directes suffisantes pour contribuer efficacement à l’accélération du développement et à la mise sur le marché des innovations médicales telles que les vaccins. En effet, l’Union européenne ne peut aujourd’hui juridiquement pas avoir le même type d’intervention que le Royaume-Uni ou les États-Unis, ce qui met en danger son accès aux vaccins.

    37.           Le Comité européen des régions s’inquiète du temps perdu, regrette que la publication du programme de travail de l’HERA pour 2022 n’ait pas été accompagnée du lancement d’une initiative en ce sens et demande à la Commission de présenter rapidement une proposition au Parlement et au Conseil.

    38.       Le Comité européen des régions prend acte des récentes avancées en matière de structuration de la R&I dans le domaine de la préparation aux crises sanitaires. La présidence française apporte en effet un soutien fort à un «projet important d’intérêt européen commun» (PIIEC) «afin de renforcer la politique industrielle de santé et le positionnement stratégique de l’Union dans ce secteur en favorisant l’innovation dans les différents segments des industries de santé». La Commission a par ailleurs lancé en avril 2021 les consultations pour le lancement, dans le cadre du programme de travail 2023-2024 d’Horizon Europe, d’un partenariat européen public-public sur la préparation aux pandémies visant à coordonner les recherches menées par les États membres. Néanmoins, il n’existe pas aujourd’hui de cadre de mise en cohérence de l’ensemble des actions d’Horizon Europe pouvant concourir aux missions de l’HERA avec le budget prévu de 1,7 milliard d’EUR, alors que 4 milliards avaient été mobilisés au cours des deux précédents programmes-cadres pour la recherche sur les pandémies et les vaccins. Le Comité européen des régions demande donc:

    • la création d’un conseil scientifique de l’HERA, pluraliste et associant les parties prenantes, pour définir des priorités scientifiques et une feuille de route en matière de R&I à laquelle devrait répondre Horizon Europe;

    • un effort de mobilisation budgétaire accru dans le cadre d’Horizon Europe pour répondre aux besoins de R&I de l’HERA;

    • le lancement d’une réflexion sur la création d’une future «mission» dédiée à la préparation et à la gestion des crises sanitaires qui permettrait une approche transversale au sein d’Horizon Europe, une coordination scientifique et opérationnelle, et l’association de l’ensemble des parties prenantes, en accordant une attention particulière à la promotion de la collaboration entre le secteur public et le secteur privé.

    39.       La recherche sur la résistance aux antimicrobiens apparaît comme absolument prioritaire pour l’HERA. Le recours excessif aux antimicrobiens, dans l’élevage comme dans la santé humaine, constitue une bombe à retardement. À défaut de lui trouver rapidement une solution, il est vraisemblable que nous soyons bientôt confrontés à un scénario où nous n’aurons plus «ni remède ni traitement». Presque tous les nouveaux antibiotiques mis sur le marché au cours des dernières décennies sont des déclinaisons de familles d’antibiotiques qui avaient été découvertes dans les années 80. Aucun résultat probant n’a été pour le moment obtenu par la Commission dans ce domaine, comme l’a démontré le rapport de la Cour des comptes de 2019[5]. Il est donc nécessaire à la fois de renforcer les services de santé préventifs, afin qu’ils puissent coordonner l’ensemble des acteurs participants au contrôle de l’usage des antimicrobiens au niveau territorial, dans les hôpitaux et au sein de la population, et d’investir dans la recherche sur de nouveaux antibiotiques et des méthodes de prophylaxie alternatives.

    40.       Un nouveau cadre législatif permettrait de développer un partenariat stratégique entre l’Union et les industries pharmaceutiques afin de mieux prendre en compte les objectifs sanitaires d’intérêt général. Le soutien direct de l’Union devrait avoir comme contrepartie une industrialisation en Europe, un accès privilégié aux produits et un droit de regard sur le prix des contre-mesures et la politique de licence.

    41.       Il convient également de s’interroger sur les actions de R&I envisagées et sur le rôle de l’HERA en la matière. Il est nécessaire d’améliorer rapidement la mise en œuvre de ce volet au sein d’Horizon Europe pour doter rapidement l’HERA d’une feuille de route en matière de R&I permettant de clarifier le mode opératoire des 1,8 milliard d’EUR figurant dans son budget au titre de ce programme.

    42.       Le Comité européen des régions souligne la nécessité de muscler sans attendre le tissu des PME innovantes dans le domaine des contre-mesures médicales, mais aussi de tous types de dispositifs et d’équipements permettant de protéger les populations et de faire face aux crises. Il s’agit d’abord de soutenir la création d’entreprises et l’innovation, ce qui est notamment de la compétence des villes et des régions, puis de les aider à grandir et à se doter d’une capacité à conduire les essais cliniques et fabriquer les produits en Europe.

    43.       Cela implique des investissements considérables et le renforcement du capital des entreprises concernées. Il paraît donc nécessaire de mobiliser le Conseil européen de l’innovation (CEI), pour mieux structurer un écosystème européen d’innovation autour du développement des contre-mesures et de la gestion des crises sanitaires, et renforcer les outils d’intervention en capital risque et développement pour permettre aux entreprises innovantes de grandir en gardant leur ancrage en Europe. Ces interventions doivent aussi permettre de partager le risque industriel de développement et production des contre-mesures. 

    44.       L’efficacité des contre-mesures médicales va de pair avec une gestion plus agile des essais cliniques, tout en garantissant le respect des règles éthiques et de protection des données personnelles. L’HERA doit proposer un cadre de coopération plus fort avec l’EMA pour la coordination d’essais cliniques à moyenne et grande échelle, ce qui a fait cruellement défaut au plus fort de la crise de la COVID-19. Les initiatives «Vaccelerate» et «Hera incubator» sont un début encourageant pour combler ces manques, mais des liens opérationnels plus clairs sont à établir avec les autorités nationales, afin de lever plus rapidement tout obstacle d’ordre réglementaire ou protocolaire. L’examen de la nouvelle stratégie pharmaceutique européenne doit permettre des évolutions importantes, et notamment une centralisation des autorisations des essais cliniques pour les médicaments destinés à une autorisation de mise sur le marché européen.

    45.       Les infrastructures de recherche sont également cruciales. S’agissant de lutter contre les grands fléaux sanitaires d’ampleur transfrontalière, il est indispensable de disposer d’installations d’analyse adéquates, d’ordinateurs à hautes performances, de référentiels de données d’études épidémiologiques et d’études de cohortes complètes aux fins de l’examen des menaces émergentes et des scénarios modèles de réaction.

    Une action internationale fondée sur la prévention et la solidarité

    46.       Le Comité européen des régions considère qu’agir là où les nouveaux risques sanitaires émergent est dans l’intérêt de l’Europe afin de limiter l’exposition de l’Union aux risques. L’HERA doit donc avoir les moyens de travailler en réseau avec de nombreux partenaires (notamment, au niveau international, les Nations unies et le Conseil de l’Europe) et de participer à des interventions en dehors des frontières de l’UE, en collaboration avec les pays concernés, dès que les risques sont identifiés, et cela en mobilisant des ressources importantes. Cette coopération doit aussi concerner la phase de préparation, et notamment porter sur les actions de prévention, de réduction des vulnérabilités et de préparation des sociétés aux crises. À cette fin, l’HERA devra nouer des partenariats avec les acteurs de la société civile, les ONG locales et internationales et les organisations multilatérales engagées dans des programmes de prévention des risques.

    L’ouverture de la propriété intellectuelle des vaccins et autres produits médicaux n’est pas une solution suffisante si les pays moins avancés n’ont pas la capacité de développer par eux-mêmes la production. Le Comité européen des régions plaide pour un encadrement du prix de certains médicaments quand cela s’avère nécessaire et pour une obligation faite à l’industrie pharmaceutique d’accorder des licences de fabrication, comme le suggère l’OMC. Il demande que les politiques de l’Union contribuent au développement de produits adaptés au contexte spécifique des pays les moins avancés. Il souhaite que l’Union s’engage dans une politique active de transfert de technologies et de soutien à la production sur place, et qu’elle déploie une aide directe appropriée pour contribuer à assurer la couverture sanitaire des populations partout où cela est nécessaire.

     

    47. Le Comité européen des régions constate et partage les très fortes attentes des citoyens européens lorsqu’il s’agit de donner à l’Union un rôle plus important dans le domaine de la santé. Il observe que la rédaction actuelle, très restrictive, de l’article 168 des traités y fait aujourd’hui obstacle, et considère que le sujet du renforcement des compétences européennes en matière de sûreté sanitaire devrait être à l’ordre du jour à l’issue de la conférence sur l’avenir de l’Europe. D’ores et déjà, les compétences de l’Union en matière de marché intérieur doivent permettre d’aller plus loin dans l’action communautaire en matière de santé, le programme EU4Health doit pouvoir être renforcé, et les ministres de la santé de l’Union européenne devraient se réunir très régulièrement, au sein d’une formation ad hoc du Conseil, plutôt que de ne le faire que deux fois par an, en simple appendice de la réunion du Conseil «Emploi, politique sociale, santé et consommateurs» (EPSCO).

     

    Bruxelles, le 27 avril 2022

    [1]            https://cor.europa.eu/fr/news/Pages/COVID-19-CoR-President-calls-for-a-EU-Health-Emergency-Mechanism-to-support-regions-and-cities.aspx.

    [2]            JO C 440 du 18.12.2020, p. 15.

    [3]            https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M005:FR:HTML

    [4]            Notamment le centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC — protection civile), l’Agence européenne des médicaments (EMA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

    [5]            https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=%7b8892C8C4-6776-4B27-BE36-C181456EED71%7d

    ———-

    Article accessible également ici

     

    Aller au contenu principal