Préparation aux crises et gestion des crises: renforcer la résilience de l’Union, de ses régions et de ses villes

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

  • appelle à élaborer, en coopération étroite avec le Centre commun de recherche de la Commission européenne, un tableau de bord de la vulnérabilité des territoires afin de mieux connaître et prendre en compte les risques liés aux vulnérabilités des territoires et des populations;
  • considère que l’Europe doit investir dans une nouvelle direction: la prévoyance sociétale, définie par la capacité collective à préparer les sociétés à faire face aux défis du futur et notamment aux crises et aux catastrophes, en s’attachant à la dimension citoyenne, sociale et humaine et en portant une attention particulière aux plus vulnérables;
  • demande de faire de la résilience face aux crises et du traitement des vulnérabilités sociales et territoriales un axe d’action et de programmation de la politique de cohésion, ainsi que de lancer un débat politique concernant la manière d’utiliser la politique de cohésion future afin de remédier aux points faibles en s’appuyant sur le tableau de bord de la vulnérabilité des territoires;
  • propose de nouvelles initiatives pour former les jeunes enfants à cette question, pour entraîner les jeunes aux premières réactions et aux premiers secours et pour promouvoir l’engagement civique bénévole;
  • propose de créer une école européenne des risques et crises qui offre des parcours de formation, élabore des référentiels professionnels et développe des dispositifs d’accréditation;
  • préconise d’adopter une approche transversale de la vulnérabilité, de la préparation aux crises et de la gestion des crises et de tenir compte de l’index et du tableau de bord des vulnérabilités pour d’autres politiques de l’Union, en sus de celle de cohésion.

Avis du Comité européen des régions — Préparation aux crises et gestion des crises: renforcer la résilience de  l’Union, de ses régions et de ses villes

 

  1. RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

La prévoyance, une nouvelle approche pour se préparer aux risques et aux crises

1.          estime que nous ne savons pas quelles sont les crises qui frapperont l’Europe, ses villes, ses départements et ses régions; en revanche, nous savons quelles en seront les victimes. Les crises ignorent les frontières administratives et nécessitent donc une approche à plusieurs niveaux, qui associe l’ensemble des institutions communales, des pouvoirs locaux intermédiaires (provinces, départements, etc.) et l’échelon régional. Pour que ces victimes échappent à leur sort, nous devons développer une culture des risques et des crises, une démarche nouvelle de prévoyance au service de la sécurité, de la santé et du bien-être des populations. Tel est le sens du présent avis;

2.          constate que la principale caractéristique des crises de ces dernières années réside dans leur caractère brutal et imprévisible. Les catastrophes et événements extrêmes liés au changement climatique pouvaient et devaient être imaginés et anticipés, mais leur violence et leur régularité dépassent toutes les prévisions. La crise de la COVID-19 ou la guerre en Ukraine et son cortège de souffrances pour les populations témoignent, quant à elles, d’un nouveau régime de crises imprévisibles et de grande ampleur. Face à ces phénomènes, les approches globales de prévention — agir pour éviter des risques connus et dont il est possible de calculer la probabilité — ou le principe de précaution — agir afin d’éviter que ne surviennent des risques nouveaux, graves et irréversibles pour la santé humaine ou l’environnement — ne suffisent plus;

3.          considère que l’Europe doit investir dans une nouvelle direction: la prévoyance, définie par la capacité collective à préparer les sociétés à faire face dans la cohésion et la solidarité aux défis du futur et notamment aux crises et aux catastrophes. La prévoyance met notamment l’accent sur la dimension citoyenne, sociale et humaine, l’accès aux services et la qualité de l’accompagnement des personnes. En effet, les crises et les catastrophes frappent d’abord les personnes les plus vulnérables. C’est un des enseignements de la crise de la COVID-19;

4.          estime que l’approche globale de la résilience doit allier deux éléments, à savoir développer la capacité des sociétés à mener les transformations nécessaires face aux défis des inégalités économiques, sociales et territoriales, du changement climatique et de la transition écologique, mais aussi développer la capacité à affronter les vulnérabilités des sociétés face aux risques, aux crises et catastrophes, ce qui passe notamment par le développement d’activités de prévoyance;

5.          propose de distinguer les vulnérabilités liées à des risques connus, pour l’essentiel environnementaux, démographiques et industriels, et celles liées à des risques inconnus, qu’ils soient la conséquence du changement climatique, d’ordre sanitaire ou le produit des activités humaines. Ces vulnérabilités ne peuvent être conjurées par des plans de gestion, aussi perfectionnés soient-ils; les affronter implique, notamment pour le second type de vulnérabilité, de privilégier le développement d’une culture des crises et des risques et d’une capacité collective à faire face à l’incertitude et à la catastrophe;

6.          demande de faire de l’analyse des vulnérabilités sociales et territoriales une priorité politique de l’Union, car sans ces informations, il sera difficile de préparer les sociétés. Seules la détection et la compréhension de ces vulnérabilités permettront d’y apporter des réponses efficaces à l’échelle européenne et nationale mais surtout dans chacune de nos villes, de nos départements et de nos régions. En effet, il convient de se méfier d’une approche trop globale des vulnérabilités à des échelles géographiques trop larges et de privilégier une approche locale permettant d’aborder précisément les réalités vécues concrètement par les populations;

7.          reconnaît que les politiques de protection civile relèvent au premier chef de la compétence des États membres, mais constate que les activités de prévention, de prévoyance et de secours sont très souvent menées par les acteurs locaux, les villes, et les départements (provinces, etc.), lesquels exercent généralement cette compétence avec le soutien des régions. Ces collectivités doivent donc être étroitement associées à leur conception, leur mise en œuvre et leur suivi, et dotées des moyens appropriés, notamment financiers et juridiques, conformément au principe de subsidiarité active et selon une logique de gouvernance multiniveau qui associe et inclut tous les échelons territoriaux;

8.          souligne qu’il y a lieu de renforcer la capacité des villes et des régions à fournir, même en temps de crise, les services qui sont nécessaires à la population. L’un des principaux moyens d’y parvenir consiste à accroître la sécurité d’approvisionnement assurée en commun sur tout le territoire européen. Pour ce faire, il est nécessaire de recenser les dépendances critiques, de produire en Europe l’essentiel des produits et services indispensables et de sécuriser les mécanismes du marché unique permettant de conforter la sécurité de l’approvisionnement en matières premières, équipements et denrées. Il convient également de renforcer les infrastructures critiques, afin de garantir la préservation des conditions de vie durant les crises;

 

Placer l’analyse des vulnérabilités au cœur de la future politique de cohésion

 

Un index et un tableau de bord pour mieux connaître et prendre en compte les risques liés aux vulnérabilités des territoires et des populations

9.          salue la mobilisation du Centre commun de recherche (JRC) et de son unité chargée de la gestion des risques pour développer un «index»[1] de vulnérabilité qui combine les dimensions environnementales, territoriales, économiques et sociales. Le CdR souhaite que le JRC dispose de tout le soutien politique et financier lui permettant d’avancer dans cette démarche;

10.       souligne l’importance de la dimension sociale de la vulnérabilité, trop souvent oubliée ou négligée, et qui constitue pourtant un élément clé de la résilience. Toute analyse de la vulnérabilité devrait pleinement intégrer les notions d’accès aux personnes, d’accompagnement social et d’accès des personnes vulnérables au système de santé et aux services sociaux, ainsi que de réduction de la fracture numérique et de meilleures possibilités d’accéder au numérique. Le CdR insiste sur la vulnérabilité des minorités, des femmes, des pauvres, des personnes âgées, de celles en situation de handicap et de celles atteintes de maladies chroniques, et sur l’importance des vulnérabilités sociales dans les régions ultrapériphériques et dans les territoires insulaires et isolés qui sont en première ligne dans la lutte contre le changement climatique;

11.       soutient les efforts menés par le JRC pour améliorer la qualité des données et de «l’index» de vulnérabilité; appuie le souhait d’une plus forte collaboration entre le JRC, les autres directions générales de la Commission et les États membres à cette fin; confirme l’utilité de la déclinaison de cet index à toutes les échelles territoriales — NUTS 2, NUTS 3 et surtout locale —, et réaffirme sa demande de publier un tableau de bord des vulnérabilités permettant d’en visualiser la réalité concrète dans chaque territoire; à cet effet, recommande aux États membres et aux collectivités territoriales d’investir dans l’évaluation des risques, en particulier sous l’angle de la vulnérabilité, et de rendre publics les résultats de ces travaux afin de renforcer la culture du risque au sein de l’Union européenne;

12.       attire l’attention sur le besoin de données permettant de décrire effectivement les populations les plus vulnérables, ce qui implique de disposer de données non agrégées et de croiser les données pour mettre en lumière des réalités spécifiques (par exemple les femmes pauvres), ainsi que sur le besoin de données permettant de témoigner des problèmes d’accès aux services;

13.       considère que plutôt que de chercher à développer un indicateur parfait, il est prioritaire de tester cet indicateur à titre d’outil d’aide à la décision; se réjouit que plusieurs organisations communautaires se soient engagées dans cette voie et souhaite le lancement d’un programme pilote fédérant des villes, des départements et des régions qui souhaitent expérimenter l’utilisation de l’indicateur de vulnérabilité pour le confronter à la perception locale des réalités et pour orienter leurs politiques et leurs investissements;

14.       suggère que le JRC pourrait amorcer la création d’une plateforme européenne d’échange autour d’une approche globale des vulnérabilités, de l’anticipation, de la préparation et de la gestion des risques et des crises, associant les institutions européennes, les États membres, les autorités locales et régionales et les parties prenantes. L’on pourrait créer une telle plateforme en s’inspirant de l’expérience des plateformes de spécialisation intelligente et la financer au moyen du programme Interreg Europe. Elle s’appuierait notamment sur le réseau européen de connaissance en protection civile[2], qu’il convient par ailleurs de soutenir et de développer;

15.       se propose de mobiliser les villes, les départements et les régions pour participer à l’ensemble de ces initiatives;

16.       encourage la création d’un réseau européen des mouvements civiques et des associations non gouvernementales engagés dans la prévention et la gestion des risques et des crises et dans la préparation des sociétés pour y faire face; invite la Commission à favoriser ce même intérêt et à en faciliter la concrétisation; est donc prêt à contribuer, en lien avec le réseau européen de connaissance en protection civile, à cette concrétisation en organisant chaque année, en lien avec l’UNDRR et la Commission européenne, un événement réunissant l’ensemble de ces acteurs;

S’attaquer aux vulnérabilités, une nouvelle priorité pour la politique de cohésion

17.       souhaite mettre en lumière à quel point les crises récentes ont montré que les vulnérabilités des territoires et des populations pouvaient se traduire par de profondes et nouvelles inégalités en matière de santé et de bien-être; affirme par voie de conséquence que le traitement des vulnérabilités sociales et territoriales devrait devenir une priorité politique de l’action en faveur de la cohésion: une telle perspective impliquerait de renforcer la dimension sociale de la politique de cohésion, au-delà des problématiques d’emploi et de formation, en insistant sur les enjeux d’inclusion et d’accès à la santé et aux services sociaux. Un tel renforcement aurait en outre pour effet de rapprocher la politique de cohésion des citoyens;

18.       estime qu’il est indispensable de développer un «index» et un tableau de bord des vulnérabilités des territoires pour ouvrir le débat politique sur les réponses à y apporter dans le cadre de la future politique de cohésion, laquelle devrait également prendre en compte, dans toutes ses composantes, les données du niveau NUTS 3 pour garantir une approche plus ciblée, lisible et efficiente;

19.       demeure circonspect quant à l’utilisation d’un «index» de vulnérabilité à titre d’outil d’aide à la décision afin de répartir les fonds de la politique de cohésion, mais souligne la nécessité d’intensifier les interventions de la politique de cohésion dans les régions les plus vulnérables;

20.       suggère de faire de la résilience face aux crises et du traitement des vulnérabilités sociales et territoriales un axe de programmation de la politique de cohésion, ainsi que d’instaurer un financement d’appoint («top up») pour les régions et les départements particulièrement vulnérables qui choisiraient de mobiliser très fortement la politique de cohésion autour de cet axe;

21.       considère néanmoins que si la politique de cohésion peut et doit être un outil au service d’une démarche de prévoyance, elle ne saurait prendre en charge la réparation des dommages consécutifs à des catastrophes majeures; considère également que le nouveau dispositif d’une «réserve de solidarité et d’aide d’urgence» se centre davantage sur la réponse immédiate aux catastrophes et aux pandémies que sur la réparation de leurs conséquences; demande donc de mettre à l’étude la création d’un mécanisme permanent d’intervention pour compenser les dommages majeurs résultant de catastrophes sur un territoire donné;

22.       propose de favoriser dans le cadre des programmes de financement européens, tels qu’Interreg, Horizon Europe ou Erasmus+, la création de projets de coopération interrégionale, qui devront être conçus en fonction des réalités géographiques des différents territoires, et qui pourront ainsi donner lieu à une coopération avec des pays tiers. Ces projets s’axeront autour de la résilience face aux crises et du traitement des vulnérabilités, et notamment de l’approche transfrontalière des risques et des crises, laquelle constitue un puissant levier pour rapprocher autour de questions concrètes les diverses pratiques des États membres. À ce titre, un volet spécifique d’Interreg et l’instrument qu’est le GECT sont probablement indispensables;

23.       reconnaît que les instruments de l’échelon de l’Union européenne se sont avérés fort utiles mais n’en estime pas moins qu’il est encore possible d’en faire davantage pour ce qui est des problèmes juridiques et administratifs que connaît la coopération transfrontalière, sachant que si les obstacles auxquels elle se heurte étaient levés, elle permettrait aussi de mieux asseoir la solidarité européenne; à cet égard, demande à la Commission européenne de relancer l’adoption du mécanisme transfrontalier européen;

Passer de la gestion des risques à une culture partagée des risques: préparer l’Europe et ses territoires aux crises et aux catastrophes

24.       constate que depuis la crise de la COVID-19, les politiques européennes de protection civile et de santé publique sont en pleine ébullition. De nombreuses initiatives ont vu le jour, dont une réserve spécifique de capacités de réaction contrôlée au niveau de l’Union, dénommée «rescEU», et l’Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA). La réaction européenne à la guerre en Ukraine a donné lieu à une réponse globale en matière d’accompagnement des populations, qui met en avant le volet humain et social de la gestion de crise. Aux côtés de l’incontournable gestion des crises, qui n’a rien perdu de son actualité, le CdR souhaite que la priorité soit désormais donnée à la prévoyance, c’est-à-dire à la prévention des risques, à la préparation aux crises et à la diffusion en Europe d’une culture partagée des risques et des crises;

25.       souligne l’importance du rôle du centre de coordination des interventions d’urgence, en tant que point central de la coordination des réponses européennes face aux crises notamment pour ce qui est de la guerre en Ukraine ou du tremblement de terre en Turquie. Le traitement de ces crises a mis en avant le volet humain et social de la gestion de crise. Pour cette raison, aux côtés de l’incontournable gestion des crises, qui n’a rien perdu de son actualité, le CdR souhaite que la priorité soit désormais donnée aussi à la prévoyance, c’est-à-dire à la prévention des risques, à la préparation aux crises et à la diffusion en Europe d’une culture partagée des risques et des crises;

Objectifs de l’Union européenne en matière de résilience face aux catastrophes

26.       salue la publication par la Commission de la recommandation et de la communication relatives aux objectifs de l’Union européenne en matière de résilience face aux catastrophes; approuve leurs principes généraux, qui reprennent nombre de propositions qu’il a avancées dans de précédents avis; se félicite d’une meilleure prise en compte des réalités locales et régionales et souligne l’intérêt des initiatives phares proposées; est convaincu que ce cadre, bien qu’il ne soit pas contraignant, permettra de renforcer la convergence des pratiques dans les différents États membres et partant, la qualité de la préparation aux crises; souhaite également être étroitement associé au forum de la protection civile qui se tiendra en 2024 et sera l’occasion de dresser un premier bilan des objectifs et de les adapter;

27.       encourage les régions à se saisir des possibilités nouvelles qui s’offrent de participer à des initiatives et de faire financer des projets, notamment dans le cadre de l’objectif 2 «Préparer» et de l’initiative phare «PreparEU»; entend contribuer à engager davantage les autorités locales et régionales au sein du réseau européen de connaissance en protection civile;

28.       regrette néanmoins que les documents publiés demeurent confinés au seul cadre du mécanisme européen de protection civile de l’Union et n’envisagent pas de manière plus globale les questions de la vulnérabilité et de la résilience de l’Europe et de ses villes et régions face aux crises;

29.       se félicite de la mise en place de tests de résistance en matière de résilience des centres d’opérations d’urgence, tout en souhaitant que cette démarche soit élargie aux dispositifs nationaux, régionaux et locaux d’alerte et de gestion des crises; propose de mieux prendre en compte dans le cadre ces tests de résistance l’ensemble des facteurs de vulnérabilité, notamment sociaux et territoriaux;

30.       encourage les régions et les collectivités locales à participer à des tests de résistance en s’appuyant sur des scénarios qui correspondent à la situation qui se présente à leur échelle respective en matière de risques; estime que l’on pourrait également encourager la constitution d’atlas locaux et régionaux des risques et les actions visant à sensibiliser le public à ces risques et à l’y préparer, ainsi que des activités dans le contexte du mois européen de la préparation aux catastrophes que propose la communication relative aux objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes;

Construire une culture commune des risques et des crises au sein de la communauté des décideurs locaux, nationaux et européens

31.       constate que la plupart des acteurs qu’il a rencontrés appellent de leurs vœux l’élaboration d’un cadre stratégique européen relatif aux risques et aux crises pour permettre de développer une approche systémique et coordonnée qui leur semble aujourd’hui faire défaut, et que nombre d’entre eux évoquent l’idée de créer une direction générale «Risques et crises» chargée à la fois de préparer les sociétés, de prévenir et de gérer les risques et crises découlant de nos vulnérabilités;

32.       affirme que le principal enjeu face aux risques et aux crises est de changer l’état d’esprit des décideurs politiques et leurs processus de prise de décision. De fait, la très grande majorité des décideurs n’est pas formée à l’anticipation et à la gestion des crises ni aux enjeux de résilience. La multiplication de dispositifs centrés sur la gestion d’un risque clairement identifié a produit une fragmentation des politiques publiques au détriment d’une vue globale centrée sur la résilience, l’analyse des vulnérabilités sociales et territoriales et la préparation à faire face à des risques inconnus. C’est une nouvelle culture collective des risques et des crises qu’il convient de diffuser autour du principe de prévoyance;

33.       propose donc de créer une école européenne des risques et crises qui offre des parcours de formation pour les décideurs politiques et les responsables opérationnels, élabore des référentiels professionnels et un dispositif d’accréditation permettant de constituer des communautés professionnelles cohérentes et de faciliter la mobilité et la reconnaissance mutuelle, soutient la formation continue, développe des réseaux et activités d’échange de savoirs et d’expériences, organise des ateliers autour des retours d’expérience et de la conception de stratégies et réponses opérationnelles innovantes;

34.       fait observer que si les crises à l’échelle planétaire peuvent éclater à l’extérieur du territoire européen, leurs effets sont susceptibles d’affecter tout État membre de l’Union, par exemple sous la forme d’un afflux aigu de réfugiés ou de difficultés dans l’accès à des produits essentiels; aussi convient-il de s’efforcer de renforcer la capacité à prévoir les crises mondiales et à les prévenir, grâce à des actions menées en commun, y compris en dehors de l’Union européenne;

35.       considère qu’afin de limiter l’exposition de l’Union aux risques, il est de l’intérêt de celle-ci d’agir là où les nouveaux risques apparaissent. Les instances compétentes au sein de l’Union doivent disposer des moyens de travailler en réseau avec de nombreux organismes dont le CdR est déjà un partenaire [notamment, au niveau international, le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNDRR), sa plateforme pour l’Europe et l’Asie centrale et l’initiative pour des villes résilientes 2030] et de participer à des interventions hors des frontières de l’UE, en coopération avec les pays concernés, dès que les risques sont identifiés, et cela en mobilisant des ressources importantes. Cette coopération doit aussi concerner la phase de préparation et notamment porter sur les actions de prévention, de réduction des vulnérabilités et de préparation des sociétés aux crises. À cette fin, les dispositifs existants et fora d’acteurs, tels que le Réseau européen de connaissance en protection civile, devraient renforcer les partenariats avec les acteurs de la société civile et les organisations non gouvernementales locales;

Des sociétés résilientes et prévoyantes pour mieux affronter les risques et les crises

36.       estime qu’un des fondements mêmes de la résilience est la capacité de mobilisation des citoyens pour affronter les premières heures d’une crise dans l’attente du déploiement des secours. Cela implique à la fois une formation préalable de chaque citoyen, une préparation de chaque foyer et des pratiques de solidarité à l’échelle locale. L’Union européenne devrait donc se doter d’une «stratégie 72 heures pour affronter les crises», adaptée localement compte tenu des particularités de chaque pays et chaque région, en s’appuyant notamment sur les enseignements tirés de l’expérience de pays comme le Japon ou les États-Unis;

37.       entend affirmer ses deux convictions fortes, selon lesquelles le meilleur moyen de changer les mentalités est de former les enfants et les jeunes, et que la force de l’engagement citoyen, de la vie associative et du secteur bénévole est le meilleur facteur de résilience des sociétés. Dans cette perspective, le CdR propose d’ajouter aux objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes les trois nouvelles initiatives phares suivantes:

  • généraliser, selon des modalités adaptées aux conditions et impératifs locaux et régionaux, les «ateliers des risques» (risk factories)[3] déjà expérimentés dans plusieurs pays pour former tous les jeunes enfants âgés de 6 à 10 ans aux bonnes questions à se poser et aux bons gestes pour se préparer aux risques et les affronter;
  • créer un référentiel européen de formation aux premières réactions et aux premiers secours afin de disposer dans chaque pays de formations transférables et exploitables que tous les jeunes seraient encouragés à accomplir avant l’âge de 20 ans;
  • mener une campagne européenne de promotion de l’engagement civique bénévole dans les corps de volontaires comme dans les organisations non gouvernementales

38.       appelle également à se départir des approches probabilistes des risques, lesquelles conduisent systématiquement à en sous-estimer de très importants, comme ce fut le cas des épidémies, à ne pas se limiter à des plans d’action pour gérer les risques environnementaux et industriels connus et dont il est possible de calculer la probabilité, mais au contraire à mettre en place dans chaque ville, département et région sans exception une stratégie de résilience et une plateforme de mobilisation locale pour organiser des équipes locales de résilience et préparer les sociétés aux crises en apportant une attention particulière à l’accompagnement des populations les plus vulnérables; ces plateformes locales de résilience devront s’appuyer sur la mobilisation des citoyens, encourager l’interdisciplinarité, faciliter les échanges de données et leur interopérabilité, favoriser les coopérations notamment transfrontalières, fluidifier la chaîne de réponse aux crises et renforcer les capacités de résilience face à celles-ci;

39.       appelle à une mobilisation très forte pour résorber la précarité numérique qui constitue un risque supplémentaire dans un contexte de crise en laissant une partie importante de la population sans accès aux informations et aux services essentiels; insiste sur le besoin de mailler les villes et régions de points d’accès physique aux informations, secours et accompagnement humain au plus près de la population et opérationnels en cas de crise;

RescEU et les systèmes de coordination de la réaction d’urgence

40.       soutient tout investissement financier européen visant à renforcer rescEU pour permettre non seulement d’accroître la capacité de l’UE à réagir rapidement et de manière globale et autonome, mais aussi de renforcer son rôle dans la gestion des risques et des catastrophes;

41.       se félicite de l’initiative du centre de coordination de la réaction d’urgence 2.0 (ERCC 2.0), qui vise à renforcer la capacité d’anticiper, de prévoir et de préparer les événements transsectoriels à l’échelle de l’UE, et à continuer d’améliorer les systèmes d’alerte précoce et d’investir dans ces derniers afin de s’assurer que les informations et la sensibilisation précoces se traduisent en actes; reconnaît le travail accompli en la matière par la Commission européenne conformément au mandat qui lui est conféré dans le domaine des systèmes d’alerte précoce en vertu de la législation relative au mécanisme de protection civile de l’Union visant à mettre au point des systèmes de détection, d’information et d’alerte transfrontières tels que le système européen d’alerte pour les inondations (EFAS), le système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS) et l’Observatoire européen de la sécheresse (EDO);

L’HERA et l’union européenne de la santé

42.       apporte son soutien à l’HERA et à l’action réalisée depuis un an, notamment pour identifier les risques sanitaires, définir des scénarios de gestion et des contre-mesures médicales, renforcer les chaînes de valeur et la capacité à produire en Europe les biens et services dont il est besoin; rappelle que l’HERA a besoin d’un soutien politique et financier réaffirmé et continu pendant plusieurs années pour remplir efficacement ses missions;

43.       reconnaît qu’il est difficile d’évaluer l’action de l’HERA après une seule année de fonctionnement; réaffirme toutefois sa demande de mieux associer le Parlement européen, mais aussi les villes et les régions et les acteurs de la société, aux instances de l’HERA et notamment à son forum consultatif;

44.       salue le déploiement des nouvelles approches de type «Une seule santé» permettant de décloisonner santé humaine, santé animale et santé environnementale et d’inscrire les politiques de santé dans une approche cohérente de développement durable;

45.       alerte de nouveau et avec force la Commission et le Conseil sur l’insuffisance des efforts déployés pour renforcer la production en Europe des produits et médicaments nécessaires pour faire face aux crises sanitaires et sur les pratiques des acheteurs publics qui, dans de nombreux pays, préfèrent des prix modiques à la production en Europe, oubliant ainsi les leçons de la crise de la COVID-19;

46.       propose de faire de la résilience des systèmes de santé, dont la médecine communautaire et l’hôpital, un sujet de travail ouvert dans le cadre de l’Europe de la santé, mobilisant les États membres et les autorités locales et régionales compétentes. Il s’agit notamment de s’assurer que la continuité des soins pourra être garantie dans les périodes de crise grâce à des capacités d’accueil préexistantes ou provisoires suffisantes. À ce titre, le CdR demande de lancer des études pour évaluer les conséquences des reports ou des ruptures de soins du fait de la crise de la COVID-19, notamment pour les cancers, les maladies chroniques et la santé mentale;

47.       souhaite que soit approfondi le débat sur l’utilisation des données de santé pour identifier les populations les plus vulnérables face aux crises et faciliter ainsi leur accompagnement social et la continuité de leur prise en charge médicale. Tout en mesurant les enjeux éthiques et opérationnels, le CdR encourage la création d’un «espace européen des données de santé» permettant de rassembler les données, d’en améliorer la qualité, et de les mettre à la disposition des services publics locaux. Il avertit du risque de voir des pans entiers de la population échapper aux données de santé du fait de leur exclusion ou de la fracture numérique;

Pour une approche transversale de la vulnérabilité, de la préparation aux crises et de la gestion des crises

48.       propose de tenir également compte de l’index et du tableau de bord des vulnérabilités pour guider les évolutions des différentes politiques de l’Union, en sus de celle de cohésion, par exemple la politique agricole commune, la politique de recherche et d’innovation ou l’union européenne de la santé. Pour mener cette tâche à bien, une task-force inter-DG de la Commission pourrait s’avérer particulièrement utile;

49.       soutient une approche de la résilience dès la conception («resilience by design») qui permet d’intégrer les incidences touchant à la résilience et à la vulnérabilité dès les premiers stades de l’élaboration des politiques publiques, des réglementations et plans d’action, des grands programmes d’investissement, des grandes infrastructures, etc.;

50.       considère qu’il incombe un rôle considérable aux marchés publics pour donner naissance à des innovations, expérimenter de nouvelles solidarités locales et renforcer la résilience des infrastructures et des équipements des territoires;

51.       est partisan de la création au sein d’Horizon Europe d’une «mission» concernant la résilience face aux risques et aux crises (gestion, préparation, culture partagée, vulnérabilités), qui soit complémentaire du «cluster» de recherche «sécurité civile pour la société» et reste centrée sur la mise au point de méthodes et technologies, pour en faire un laboratoire vivant d’innovation et de mobilisation ancré dans les réalités des villes et des régions.

 

Bruxelles, le 24 mai 2023

 

[1] https://drmkc.jrc.ec.europa.eu/risk-data-hub/#/vulnerability-in-europe. L’index de vulnérabilité permet d’aller plus loin que les travaux menés par le JRC dans le cadre du «tableau de bord de la résilience» qui présente une approche plus large des capacités d’adaptation et d’anticipation des sociétés (https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/strategic-planning/strategic-foresight/2020-strategic-foresight-report/resilience-dashboards_fr).

[2] https://civil-protection-knowledge-network.europa.eu/about-knowledge-network.

[3] En Écosse: http://www.safercommunitiesscotland.org/wp-content/uploads/the-risk-factory.pdf. Aux Pays-Bas: https://www.riskfactorymwb.nl/over-ons/.

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